La gloire

En 1982, Anne Hébert devient la quatrième Canadienne-française et la deuxième Québécoise à obtenir un grand prix littéraire. Après Gabrielle Roy, prix Fémina 1947, Marie-Claire Blais, prix Médicis 1966, et Antonine Maillet, prix Goncourt 1979, Anne Hébert obtient le prix Fémina pour son cinquième roman, les Fous de Bassan. Cette distinction vient couronner sa carrière d’écrivaine, lui enlevant du même coup tout souci financier. « Une seule année pour la rédaction. Pour moi, c’était extraordinaire. Mais il faut dire que c’était un ancien manuscrit en panne ». Un blocage inexplicable aboutit à une version ratée en 1977, reprise sous une autre forme avec succès trois ans plus tard. La mort soudaine de sa soeur Marie en 1952 – cette « mort qui se montre si lâche et injuste quand elle frappe un être si jeune » -, aurait été la source d’inspiration première du roman.

En 1983, l’Université Laval lui remet un doctorat honoris causa qui s’ajoutera aux précédents: Toronto(1969), Guelph(1970), UQAM(1979), McGill(1980). L’Académie canadienne-française lui déçerne par ailleurs sa médaille pour l’ensemble de son oeuvre en 1984. Après plusieurs démêlés, les Fous de Bassan seront finalement portés à l’écran en 1986 par Yves Simoneau.

Elle publie un sixième roman, Le Premier jardin, en 1988, qui se veut un hommage à toutes les femmes qui ont fondé la Nouvelle-France, « ces femmes dont on n’a même pas gardé le nom et que l’histoire a fait disparaître ». En 1989, elle est nommée par le premier ministre français Michel Rocard au Conseil de la langue, formé de dix-huit membres du monde littéraire, scientifique et journalistique, lesquels sont appellés à formuler des recommandations sur la langue au premier ministre en vue de leur application en France.

Une pièce de théâtre, La Cage, suivie de la réédition en livre de l’Ile de la demoiselle, est publiée en 1990. Un septième roman, L’Enfant chargé de songes, aux accents du Torrent, paraît en 1992. Ce « roman de terre et de forge à l’arrière-goût d’enfer » lui vaut le prix du Gouverneur général la même année. Le jury écrira que « la mémoire charnelle des odeurs et des textures y surgit, intacte, du pays de l’enfance ». En publiant par ailleurs un quatrième recueil de poèmes en 1992, Le Jour n’a d’égal que la nuit, l’auteure renoue avec le genre après plusieurs années de silence. Tous les recueils de poèmes antérieurs, à l’exception des Songes en équilibre, seront repris dans Oeuvre poétique, publié en 1995 par Boréal/Seuil.

Le prix Gilles-Corbeil, accompagné d’une bourse très convoitée de 100,000$ tirée de la Fondation Emile-Nelligan, lui est attribué en janvier 1994 pour l’ensemble de son oeuvre. L’année suivante elle publie Aurélien, Clara, Mademoiselle et le Lieutenant anglais, un récit qui oscille entre prose et poésie. Anne Hébert était alors âgée de 79 ans. Interrogée sur ses projets d’écriture, elle avait répondu: « Pour l’instant, je ne fais rien, je me repose. C’est Jacques Ferron qui me disait qu’un écrivain travaille toujours, même quand il semble ne rien faire ». Cette méthode semble lui avoir réussi puisqu’elle publiait son cinquième recueil Poèmes pour la main gauche deux ans plus tard, en 1997. Mais l’angoisse de l’écrivain demeure, même à cet âge: « C’est tout à fait comme au premier jour…le noir complet au tout début, cette même impression de se jeter dans le vide. Et puis à mesure que l’oeuvre se construit, on s’appuie sur ce qu’on est en train de bâtir, on apaise l’anxiété ».

Au début de l’année 1998, Anne Hébert, qui demeurait à Paris depuis 32 ans, surprenait tout le monde par la nouvelle de son déménagement à Montréal. Après s’être réfugiée à Paris pendant la tempête de verglas du mois de janvier, elle nous revenait au printemps pour le lancement
d’un autre roman Est-ce que je te dérange? En mai dernier, AnneHébert publiait son neuvième roman Un habit de lumière

Le prix France-Québec / Jean-Hamelin 1999 lui a été décerné en début d’année 2000  pour son roman Un habit de lumière, édité au Seuil. Le jury a tenu à préciser que cette récompense vaut aussi pour l’ensemble de son oeuvre. Depuis l’existence de ce prix, créé il y a 35 ans par l’Association des écrivains de langue française, Anne Hébert n’en avait jamais été honorée. Le prix s’accompagne d’un voyage à Paris et d’une bourse de 2000$.

Nous apprenions le décès d’Anne Hébert à l’hôpital Notre-Dame de Montréal, le 22 janvier 2000. Elle était âgée de 83 ans.


Sources bibliographiques

Pierre Pagé, Anne Hébert, Montréal, Fidès, coll. Ecrivains canadiens d’aujourd’hui, 1965.

René Lacôte, Anne Hébert, Paris, Editions Seghers, coll. Poètes d’aujourd’hui no 189, 1969.

Antoine Prévost, De Saint-Denys Garneau, l’enfant piégé, Montréal, Boréal, 1994.

Dossier de presse : Anne Hébert (1942-1989), Séminaire de Sherbrooke, 1989.

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